Le deuil est plutôt inhabituel lors de l’adolescence. Cela arrive, mais il est plus rare d’en vivre un, surtout à notre époque où la médecine est très avancée. C’est sans doute pour cette raison que j’ai été aussi bouleversée lorsque la mort elle-même a frappé il y a quelques années un membre de ma famille, et pas n’importe lequel : le seul et unique Papou, mon père.
À l’âge de 16 ans seulement, j’ai dû apprendre à grandir sans ma figure paternelle. Jamais au grand jamais, je n’aurais cru être assez forte pour passer à travers une épreuve je n’aurais cru être assez forte pour passer à travers une épreuve du genre, mais je l’ai fait.
Le plus difficile dans un deuil, ce n’est pas la mort elle-même, ce sont les souvenirs qui hantent pendant des nuits entières, ce sont les regrets de ne pas avoir pu dire au revoir, ce sont les regards de pitié des autres qui pèsent sur ta personne et qui te rappellent ce que tu as perdu et, surtout, le pire, c’est le fait de devoir laisser l’être aimé partir. Mais si j’y suis arrivée, alors tout le monde peut le faire.
Pendant près de six mois, je n’ai pas réussi à pleurer sa mort et une personne proche de moi m’a posé la question suivante: « Comment fais-tu ? » Alors que celle-ci pleurait sa mort, je me posais la même question de mon côté, je me demandais comment elle arrivait à laisser tomber tout ce poids sur ses épaules. J’ai alors compris que c’était le fait de toujours avoir besoin d’être forte qui m’empêchait de laisser mon père partir. Il me disait toujours d’avoir de la force dans les bras, dans la tête et dans le cœur, donc lorsqu’il est parti, c’est tout ce que je pouvais faire. Je devais être forte pour tout le monde; après tout, j’étais sa fille.
Même mon corps m’envoyait des signes pour que je sorte toute cette peine, mais je les ai longtemps ignorés. Pendant une grande partie de mon secondaire 5, je tombais toujours malade et j’étais constamment fatiguée. Des émotions peuvent blesser physiquement. J’étais rongée par les regrets, je suis même allée jusqu’à me demander ce que j’aurais pu faire de plus, alors que je n’aurais rien pu faire de plus. Je me suis accusée, je m’en suis voulue, je lui en ai voulu et j’en ai même voulu à tous et à toutes: « Pourquoi, je n’ai plus de père alors que lui ou elle en a toujours un ? » Je criais à l’injustice alors que personne n’avait le contrôle sur cette situation. J’essayais de tout contrôler pour ne plus jamais avoir à vivre quelque chose du genre, je tentais de protéger tout ceux et celles que j’aime; c’était trop. Je devais faire quelque chose pour diminuer mon niveau d’anxiété désormais au top du top.
Il était temps de laisser partir mon père et mon traumatisme devait partir avec lui. J’ai pris sur moi et j’ai vidé mes émotions pendant des mois, comme je ne l’avais jamais fait auparavant. Vous savez, j’ai souvent entendu la phrase suivante : « Quand tu aimes quelqu’un, tu dois le laisser aller. »
Après un an et demi, j’ai enfin pu réussir à me détacher de lui. J’ai appris à grandir et à devenir une adulte sans avoir besoin de me tourner vers lui. J’ai appris à vivre au jour le jour parce que je n’ai aucun contrôle sur la vie de toute façon. J’ai appris à vivre une vie pleine de joies et d’aventures, mais je n’aurais jamais pu le faire si je ne t’avais jamais laissé partir, papa.
Après trois ans, voici le message que j’ai à donner à tout ceux et celles qui ont toujours leurs êtres chers à leur côté: appréciez-les, dites-leur « je t’aime » et surtout ne laissez jamais les conflits mettre un frein à vos relations, apprenez à pardonner pour eux, mais aussi pour vous. Vous serez plus léger. Car moi, je le suis.
*Toutes les deux semaines, L’info du Nord publiera dans ses pages un texte écrit par un étudiant du Centre collégial de Mont-Tremblant. Cette chronique « Pour et par les jeunes » est rendue possible grâce à l’implication des étudiants qui prennent la plume et de l’enseignant en français Alexandre Dupuis-Plamondon, impliqué dans ce projet depuis le premier jour. Nous sommes très heureux de cette belle collaboration donnant la parole aux jeunes de la communauté étudiante d’ici.
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