Chronique "Les mémoires vivantes, l’histoire qui se raconte"
Les Laurentides ont vu naitre et grandir des individus plus grands que nature
PAR PIERRE TRUDEL - SOCIÉTÉ D'HISTOIRE DE LA REPOUSSE. Un homme d’action et de labeur, Gilles Lacasse est né à Saint-Faustin Station (Lac-Carré). Il a passé son enfance sur le rang 8 à côté du moulin David. « Mon père me disait: « amusez-vous en travaillant », c’est ce que j’ai fait toute ma vie. »
Après l’école, l’hiver, M. Lacasse travaillait au Moulin David. Le moulin construit en 1890 par Pierre Vanier, alors maire de Saint-Faustin, est situé à côté de la cour d’école. Facile donc d’aller y travailler! « J’ai travaillé trois étés du milieu d’avril à octobre au moulin David. Je gagnais 30 sous de l’heure. Je travaillais 60 heures par semaine au moulin puis je revenais tirer les vaches », se souvient-il.
En 1948, l’électricité est installée dans la maison familiale. Seuls l’éclairage et la pompe à eau étaient alimentés. « C’était toute une fête! On allait essayer voir si elle (la lumière) était pour allumer encore. Il n’y avait pas de toilettes à l’intérieur, on utilisait ce qu’on appelait une Catherine avec couvercle pour le numéro 2, la nuit. »
Le travail à la pisciculture
« J’ai travaillé comme journalier à la pisciculture. Je m’y rendais à bicyclette que je rangeais sur le bord de la voie ferrée. Théodore Legault était le patron et son garçon était le « foreman » des jeunes. C’était presque des vacances, même si on travaillait très fort. Ce sont mes plus beaux souvenirs de travail avec le groupe qui y travaillait. En plus des bassins à truite, il y avait toutes sortes d’animaux à la pisciculture: un orignal, un ours et un chevreuil. »
« J’ai passé un été à travailler en Ontario sur la base militaire et j’aimais regarder les avions décoller. Puis, j’ai rencontré ma femme, Noëlla Desjardins, et j’ai « dompé » ma job. Je suis avec elle depuis 66 ans », confie l’homme né en 1935.
Loisirs et sorties
M. Lacasse avoue qu’il n’avait pas eu le temps de se divertir plus jeune. « Je travaillais trop. J’ai arrêté de boire il y a 44 ans, mais dans le temps, on faisait la tournée des bars et des clubs de la région. Si ces bars ont leurs histoires, nous on a les nôtres pour chaque endroit: on courait le Mardi gras avant le Carême, on y organisait des enterrements de vie de garçon ou juste des veillées. »
« Le Gray Rocks et l’Hôtel Tremblant, on n’y allait pas souvent, c’étaient des hôtels pour les gens de l’extérieur », confie-t-il. La jeunesse faustilacoise préférait le Montagnard Saint-Faustin, construit entre 1890 et 1900. « Il était célèbre pour ses effeuilleuses dans les années 60. Le barman nous vendait aussi de l’alcool de contrebande qu’on appelait du 3 pour 1, il fallait ajouter 2 parties d’eau pour une partie d’alcool. Lorsqu’on était trop « chaud », le barman nous mettait à la porte. »
Il y avait aussi le Voyageur Lac-Carré (Chez Tom), qui fut un des premiers hôtels à Saint-Faustin Station. C’est en 1905 qu’Alfred Brazé (père) a fait l’acquisition de cet immeuble pour son fils qui portait le même prénom, pour qu’il puisse implanter et transformer cette maison en un charmant petit hôtel familial. En 1963, l’achalandage augmente et on va agrandir l’hôtel pour accueillir jusqu’à 200 personnes. À partir de ce moment, la vocation de l’hôtel va changer avec l’ajout d’une salle de danse avec orchestre.
« J’aimais bien le Voyageur, le serveur était jovial. Avec ma femme, on y allait continuer la veillée, danser et chanter. Quand les gars commencent à être « chauds », ils demandaient à Noëlla de chanter. Si un gars était trop chaud, le barman lui ôtait ses clefs et lui louait une chambre pas chère », se souvient M. Lacasse.
Et en-dehors de St-Faustin…
Les jeunes de Saint-Faustin et Lac-Carré sortaient évidemment de leur patelin parfois pour faire la fête. Gilles Lacasse aimait bien Le Rustique Lac Supérieur, à 15 minutes du Parc du Mont-Tremblant. Toujours en vie, le commerce a conservé son nom d’origine et est avant tout un lieu dont les murs sont empreints d’histoire. Fondé dans les années 1930, cet ancien motel-resto-bar est une véritable institution de la région. Denis Bilodeau s’est établi comme un pilier de Lac-Supérieur, à titre de propriétaire de l’hôtel Rustique dès 1952.
L’Hôtel Lac Mercier, fondé en 1902, était aussi apprécié. « On disait qu’on allait chez Horace, on était toujours bienvenu: il dépannait du monde avec ses chambres, il était humain », se remémore l’octogénaire. Longtemps connu sous le nom de « Lac Mercier Inn », l’hôtel fut construit pour loger les travailleurs de l’usine de la Standard Chemical et desservait la gare du Lac Mercier. « Le barman était jovial, on se sentait chez soi. Lorsqu’on avait trop bu, le serveur nous enlevait nos clefs et nous louait une chambre. »
Enfin, il y avait la Villa Bellevue Lac Ouimet. Connu sous le nom de « pension Audet », l’hôtel était à l’origine tenu par la famille Carrière. Cette pension répondait aux besoins d’une clientèle de travailleurs de l’industrie forestière. Euclide Carrière en avait fait l’acquisition en 1930. Après certaines modifications, dont le changement de nom pour « Villa Bellevue », il la vendit à son fils René en 1943. La Villa Bellevue comprenait alors 110 chambres, une superbe salle à manger et une somptueuse salle de spectacle pouvant accueillir près de 300 personnes. Il n’était pas rare d’y retrouver à l’affiche les grands noms de l’époque: Les Jérolas, Michel Louvain, René Angélil et les Baronets, Pierre Lalonde et le groupe américain The Four Aces. « Ils nous vendaient de l’alcool de contrebande pour apporter. Maintenant, j’y organise les rencontres des AA. Ça sent le bois là-dedans, j’ai toujours aimé ça », glisse Gilles Lacasse.
SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE LA REPOUSSE
Chaque mois, la Société d’histoire de la Repousse présentera une chronique historique dans les pages de L’info du Nord pour raconter un pan de notre histoire locale, avec un témoignage à l’appui. La Société d’histoire a fait le choix du nom de « la Repousse » en souvenir du « chemin de la Repousse ». C’est en ces termes que l’on désignait la première route qui reliait Sainte-Agathe-des-Monts à Saint-Faustin.
Pour information
LaRepousse@hotmail.ca
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