Exposition dans le cadre du Centenaire de Val-David
Bienvenue à La Butte à Mathieu!
C’est le guichet original de La Butte à Mathieu qui accueille le visiteur en entrant dans la salle d’exposition, où une série d’archives, dont certaines inédites, l’attendent pour raconter les années 1959 à 1976, vues au travers des photos, albums, documents et décors de la célèbre boîte à chansons.
Ce qui, au départ, avait pris place dans un ancien poulailler s’est transformé en mouvement culturel majeur durant les années qui ont suivi. Plus qu’une boîte à chansons, ce lieu de diffusion a offert une voix à de nombreux peintres, sculpteurs, potiers, acteurs, humoristes, poètes et même un mime, en plus des grands de la chanson francophone qui venaient jusque d’outremer pour y performer, de Clémence Desrochers à Félix Leclerc, en passant par Claude Nougaro. Certains artistes fondateurs de notre histoire y sont nés, plusieurs y sont revenus, tandis que le public ne cessait d’affluer. Ils étaient des milliers à suivre le chemin du P’tit Train du Nord chaque semaine, à tel point que les résidents du coin affichaient complet pour la location de leurs sous-sols ou autres espaces convertis en dortoirs à cause de la demande.
« Les gens venaient découvrir le Québec à La Butte. »
-Gilles Mathieu
Nous sommes à l’époque du projet rassembleur qu’était l’indépendance du Québec, de la Révolution tranquille et des chansonniers qui composaient une bonne partie de l’offre culturelle en région. Beaucoup d’idées se sont brassées à La Butte et surtout, un grand sentiment de liberté animait les lieux, qui furent témoins de la cristallisation d’un pan de notre identité.
« À l’époque, beaucoup de choses étaient interdites. Sur les portes des bâtiments publics, il était écrit qu’il était interdit de porter une tenue indécente. Et les filles qui venaient à La Butte arrivaient au village en shorts! Ça avait fait scandale. Nous avions monté la pièce de théâtre Lorsque l’enfant paraît de Roussin, et les actrices avaient des coussins pour montrer qu’elles étaient enceintes. Le conseil municipal de l’époque avait statué qu’il s’agissait d’une mauvaise pièce. Quand j’ai voulu demander un permis d’alcool pour la salle, on m’a répondu que j’étais trop près de l’église du village. Tout marchait à l’envers dans ce temps-là », explique Gilles Mathieu, fondateur de La Butte.
« Les gens avaient envie de se donner une vie normale. Et La Butte était un lieu qui le permettait », dit Mathieu Mathieu, son fils.
Contestataire mais pas revanchard, M. Mathieu se définit comme quelqu’un qui était permissif, et qui ne se préoccupait pas de la censure. Permissif, qui prend également le sens de permettre l’émergence. « Je faisais des auditions de chansonniers la fin de semaine et il y en a qui n’étaient vraiment pas bons. Mais ils étaient tellement sympathiques que je leur disais oui. Et puis, une fois sur scène, ils n’étaient plus les mêmes personnes, ils se dévoilaient et devenaient bons devant le public. Ce n’est pas facile d’auditionner devant un propriétaire de salle, vous savez. Et les artistes de ce temps-là se créaient une renommée à force de travail », poursuit M. Mathieu.
Les refus de la modernité
Les années 1960 ont été marquées par la modernisation de l’État québécois et l’envie de réfuter les référents culturels qui avaient composé l’identité des communautés rurales, devenues obstacles à une évolution qui se voulait surtout urbaine. Or, pour M. Mathieu, ces éléments, souvent liés au travailleur qui exploite les ressources naturelles, représentaient une richesse. C’est ainsi que le décor de La Butte à Mathieu s’est naturellement paré de filets de pêcheurs, de nappes à carreaux et de chaises aux sièges tressés. Autant de points d’ancrage qui ont façonné le lien d’appartenance d’un public qui a été présent jusqu’au dernier spectacle, donné par le poète Gaston Miron.
Un legs bien vivant
Le fils du fondateur, auteur-compositeur-interprète, a fait de la chanson son métier. « Je n’ai pas connu La Butte mais j’ai connu le réseau d’artisans avec lequel mon père était resté en contact, et ces gens m’ont montré que l’on peut vivre de l’art. Le legs de cette époque est pour moi une espèce d’idéal. Penser à nos racines me donne le goût d’aller de l’avant car ces artistes avaient une volonté de faire rayonner notre identité, et La Butte était un lieu de ralliement. Bien que l’étiquette indépendantiste de l’endroit ne l’ait pas toujours servie – mon père a travaillé pendant de nombreuses années sans subvention – les artistes y portaient des idées. Moi, il m’en est resté l’idée que ce n’est pas qui tu es mais ce que tu as à offrir qui compte », raconte celui qui a réalisé huit albums de composition en carrière et un spectacle interactif pour enfants.
La Butte à Mathieu fut une aventure qui a ironiquement pris fin l’année de l’élection de l’ancien premier ministre René Lévesque, et qui aura laissé des traces importantes dans le paysage culturel québécois. Cette exposition nous invite à y réfléchir.
L’exposition, qui a ouvert ses portes le 30 juin, se déroule jusqu’ au 5 septembre 2021, du mercredi au dimanche de 11h à 17h, à l’église de Val-David. L’entrée est libre.
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