Persévérance scolaire
La vie, ça s’apprend aussi en cuisinant
Le mercredi 27 avril régnait une odeur alléchante dans une salle de l’École Curé-Mercure de Mont-Tremblant. Plusieurs élèves de l’établissement s’attelaient à la tâche pour préparer un repas gastronomique pour leurs famille, amis et personnel de l’école.
Une fois qu’on entre dans cette salle, on y découvre plusieurs adultes, mais également des jeunes en train de peler des légumes, mettre de la crème sur un dessert, presser des fruits, le tout sur un fond musical pour se motiver. On entend aussi des rires, des questions sur la quantité ou comment réaliser une tâche, d’autres ne lèvent pas les yeux de leurs ingrédients de peur de se manquer. L’ambiance est tellement joviale qu’on oublierait presque que ce mercredi est une journée importante pour ces jeunes.
Effectivement, ces jeunes font partie du projet Parenthèse, conçu par Carrefour jeunesse-emploi Laurentides, qui vise à favoriser la persévérance scolaire d’étudiants à risque de décrochage. Ce projet a été mis en place il y a quatre ans dans les écoles secondaires et offre la possibilité à ces élèves de rencontrer des personnes inspirantes grâce à leur parcours scolaire diversifié. Cette année, la thématique des ateliers a changé et s’articulait autour de la cuisine.
« J’ai décidé de concevoir un projet basé sur les besoins des gens qui leur serviraient aussi à apprendre la base de la vie et aussi, je veux montrer les mêmes matières qu’ils apprennent à l’école, mais d’une autre façon. Parce que les jeunes ici, ils sont en potentiel de décrochage, et s’ils sont en difficulté, c’est parce qu’ils sont vraiment en difficulté ou parce qu’ils ne comprennent pas la façon dont on enseigne en système normal », explique Steve Brisson, l’intervenant responsable.
« Pour vrai, ça m’a vraiment aidé pour ma motivation à l’école. J’avais hâte d’arriver au mercredi pour venir ici » , raconte Emy Perreault, à côté de son dessert.
« Tu ne sais pas ce que tu vas faire dans 5 ans, comment on peut demander à ces jeunes-là ce qu’ils vont faire pendant les 50 prochaines années.” Steve Brisson, intervenant responsable.
1 atelier par semaine
Pendant 8 semaines, Steve Brisson s’est servi de recettes pour leur apprendre les matières de base enseignées à l’école, mais sous une autre forme. En effet, pour connaître les bonnes proportions, on doit faire des maths, pour suivre une recette, il faut la lire en français ou en anglais, sans oublier l’histoire et la géographie pour s’informer sur l’origine du plat à concevoir.
« Au-delà de la cuisine, on donne des ateliers de connaissance de soi, d’estime personnelle, gestion du stress. On a aussi un atelier complet sur comment faire un budget, son épicerie, suivi d’une activité à l’extérieur pour mettre les choses en pratique. On va tous à l’épicerie et ils ont une recette avec les ingrédients à acheter. L’objectif, c’est d’avoir la facture la plus basse, avec les notions qu’on leur a apprises. »
Préparer un repas gastronomique
À l’issue de ces ateliers, un événement de clôture est organisé où les jeunes doivent concevoir un repas gastronomique pour leurs proches, mais également s’occuper de la décoration, le thème, le choix du menu.
« Mon objectif, c’est d’amener dans le système, une nouvelle façon d’enseigner pour des jeunes qui ne comprennent pas de la même façon. Le menu sur la table est un peu mêlé. Dans le fond, ce que je fais, c’est quand les gens vont arriver, je leur dis, « Si vous n’êtes pas capable de lire le menu, vous ne mangerez pas ce soir. » Pourquoi ? Parce que c’est ce qu’on dit à nos jeunes. « Si tu n’es pas capable d’apprendre comment je te l’apprends, bah, tu ne feras rien dans la vie. » C’est pas comme ça que ça marche, je suis désolé », explique Steve Brisson.
« Ici, je me sens plus à ma place quand j’arrive pour faire de la cuisine. Ça ne dérange pas, il n’y a personne qui m’embête, c’est tranquille, et avec la musique, ça me motive encore plus. Ce que je viens chercher dans cette activité, c’est trouver quelque chose qui m’apaise, qui me fait sortir de l’école, pas physiquement, mais mentalement », raconte Mattis Tremblay en préparant l’entrée.
La fierté des proches
Afin qu’ils ne vivent pas d’échec, parce qu’il ne faut pas se le cacher, on vit tous au moins une fois un sentiment d’échec en cuisine, Steve Brisson concocte toujours le plat principal de l’événement qui sera proposé aux familles de ces jeunes.
« La dernière fois, j’ai des frissons d’en parler, j’ai vu dans le regard des parents de la fierté, c’était incroyable. Un jeune, ses parents ne se parlaient plus du tout et il avait peur de les inviter à la même table. Au final, les deux parents se sont parlé toute la soirée, alors que ça faisait 4 mois qu’il n’avait pas vu son père. Il y a beaucoup de choses au niveau de l’estime, de la fierté, de la confiance en soi qui se développent là-dedans.»
Pour réaliser chaque atelier et le souper de clôture, des fonds ont été débloqués par Carrefour jeunesse-emploi Laurentides et l’école a apporté une contribution en mettant à disposition la salle tous les mercredis. Pour cuisiner un tel souper, tous les ingrédients, ou presque, proviennent du coin, grâce à la collaboration avec des entreprises locales comme les Mercenaires culinaires, Poissonerie ô capitaine, la Cabane à tuque, etc. Certains sont même venus comme invités au cours des ateliers pour discuter avec ces jeunes. « On leur enseigne d’acheter local parce que c’est important pour l’économie, autant que pour la qualité de la nourriture. »
Il ne reste plus qu’à savoir si certains de ces jeunes travailleront dans la restauration dans les années `venir, mais d’ici là, laissons-les prendre le temps de grandir sans pression supplémentaire.
« L’objectif, ce n’est pas que ça marche, mais qu’ils viennent faire une activité qui les motive. »
Steve Brisson, intervenant responsable.
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